Interview de Yvon VERNE : "De bons souvenirs..."
YVON VERNE, L'AMBERTOIS !
Veloracingnews : Yvon, présente-toi à nos lecteurs.
Je suis né le 12 mars 1944 à Dore-l' Eglise. J'ai commencé le vélo en 1961. Mes différents clubs ont été : UC Le Puy, l' Amicale Cycliste Clermontoise, le VC Ambertois, le VC Feurs, l'UC Aurillac, l' ASPTT, Sayat.
Veloracingnews : Qui t'as transmis la passion ?
Mon grand-père m'emmenait voir les courses, c'est sûrement le point de départ. J'ai le souvenir d'avoir vu Benoît Faure dit La Souris (pro de 1925 à 1951 ; 8e du Tour de France). Mon premier vélo était un Robust que je me suis acheté à crédit. Après avoir versé la moitié du prix de mon achat quand j'ai voulu payer la première traite au marchand de cycle, mon père avait payé ce que je devais.
Veloracingnews : Quelle était ta profession ?
Mon métier c'était coiffeur ensuite je suis entré à La Poste comme préposé ce que j'ai fait durant toute mon activité. Mon champ d'action s'était élargi ; je ne tournais plus autour d'un fauteuil mais autour du village. Embauché dans la région parisienne à Créteil, je ne m'y faisais pas, j'attendais ma mutation avec impatience. J'ai bien essayé de courir mais je ne mettais pas un pied devant l'autre. Le moral était au plus bas d'ailleurs je suis rentré chez moi et heureusement j'ai été muté la même semaine à La Selle (sic) dans la vallée de Mandailles.
Veloracingnews : Comment se déroulent tes débuts ?
Ma première course je fais 5e ! Pour la presse locale c'était une surprise. C'était l'époque des : Blanc, Chappat, Coutarel, Barbry. J'ai remporté ma première victoire à Messeix. Echappé dans un groupe devant, on se regardait. Lucien Gonthier vient me voir. Il me dit : tu veux gagner aujourd'hui ? Tu partiras quand je te le dirais ». C'est ce que j'ai fait j'ai gagné avec 3mn d'avance.
Veloracingnews : Le compteur est à combien ?
J'ai remporté 245 victoires si je compte la piste. La piste, j'adorais ça ! Tous les samedi j'allais à Lyon au Parc de la Tête d'Or pour faire du demi-fond. Mais il n'y avait pas un centime à gagner dans cette discipline alors je n'ai jamais participé à une compétition. Puis j'ai fait de la poursuite, je tournais en 5' 14 sur 4 km et me suis classé 8e d'un championnat de France.
Veloracingnews : Quelles sont les grandes épreuves auxquelles tu as participé ?
J'ai participé trois fois à la Route de France, à la finale des Trophées Peugeot, au Tour du Limousin (avec Michel Laurent, Yvon Bertin, Daniel Ceulemans), au Tour de l'Indre (2 fois second d'une étape derrière Yves Hézard). J'ai également fait second d'un Tour du Gévaudan en remportant une étape devant Bernard Bourreau et toute l'équipe de France. Le sélectionneur national ne me connaissait pas. Mon manager m'encourageais : « t'es pas rapide au sprint ça ne fait rien roule » mais j'avais une bonne pointe de vitesse. Je revois leur tête à l'arrivée, les cracks battus par un petit régional.
Veloracingnews : Tu as couru avec les pros ?
J'ai été indépendant. J'ai couru la Ronde des Rasoirs Philips, le critérium d'Ambert (battu par Pierre Everaert vainqueur de Paris-Bruxelles pour la 4e place) 6e du critérium d'Issoire devant Roger Pingeon. Les pros n'aimaient pas qu'on vienne les chatouiller. J'ai battu Cyrille Guimard au sprint pour des primes dans un critérium.
Veloracingnews : Tu t'entraînais comment ?
Je ne roulais pas beaucoup 100 à 120 km par sortie. J'ai fait un Tour du Limousin avec 1000 bornes dans les pattes. Dans l'année je ne dépassais pas les 20 000 km. Quand j'ai commencé à courir, je ne connaissais rien à rien dans les méthodes d'entraînement et personne ne me conseillait. J'avais un livre sur les Pélissier où j'avais lu qu'ils mettaient du gruyère dans la poche du maillot parce que c'était un aliment léger vu qu'il avait des trous... Mes parcours étaient souvent les mêmes pour comparer l'évolution de ma condition physique.
Veloracingnews : Un coureur gagnait-il bien sa vie ?
Mes débuts ont été difficiles. J'allais courir en train quand c'était loin jusqu'à l'achat de ma première voiture, une 4 CV. Je me souviens d'une course que je suis allé disputer à Montluçon, j'ai dormi dans la voiture. Avant la course j'ai avalé une tranche de jambon, une pomme et un yaourt. Je n'avais pas d'argent pour me payer l'essence pour rentrer. La première prime je suis allé la chercher avec une motivation décuplée mais ce n'étaient pas des conditions idéales pour bien marcher. Par la suite lorsque j'étais mieux installé, j'arrivais à gagner jusqu'à 40 000 F de primes dans l'année (environ 6 à 7000 euros). J'aimais les critériums parce que c'était la castagne ! Celui de la Chaise-Dieu était mon championnat du monde, je courais devant mon public, 1000 personnes d'après les journaux.
Veloracingnews : Qui étaient tes principaux adversaires ?
Je courais beaucoup dans le Lyonnais où le niveau était plus élevé qu'en Auvergne avec les frères Rigon, Paul Gutty, Chantelouve... Dans la région j'ai été admiratif de la carrière de Jean-Claude Theillère et j'ai un souvenir d'un autre coureur... A Bretenoux nous étions opposés Farges, Guiraudie et moi à une forte délégation polonaise avec Hanusik (champion de Pologne...). On attaquait, Guiraudie et moi, chacun notre tour mais sans résultats, on n'arrivait pas à creuser le trou. Fernand est sorti devant toute la meute et il n'a pas été repris. Ce jour-là, je peux dire qu'il m'a impressionné.
Veloracingnews : Je crois que tu as un bon souvenir d'une course en Espagne...
On m'avait embauché pour aller faire une course à Tolède pays de Bahamontes. « Tu verras il y a de l'argent à gagner... » Je suis allé faire la course. Le premier jour je fais 6e, les prix étaient pour les 5 premiers. Le lendemain je ne mettais pas un pied devant l'autre tous les gars me passaient. J'ai abandonné. Par dessus le marché je me suis fait voler une paire de roue avec les boyaux. Avec un copain on est rentré sans un sou par Valence. Comme on était au bord de la mer on s'est acheté un maillot de bain pour deux et on allait se tremper chacun notre tour. Par chance on a rencontré un ancien coureur, Angel Barrel, qui nous a hébergé...
Veloracingnews : Comment s'est passé ta fin de carrière et ta reconversion ?
Suite à des problèmes familiaux j'ai arrêté 2 ans et j'ai recouru jusqu'en 1975. J'ai encore gagné 25 courses la dernière année. J'ai terminé ma carrière avec les cales-pieds comme Sean Kelly. Ensuite j'ai donné un coup de main au club d'Ambert. J'ai toujours été l'Ambertois même quand j'étais licencié dans d'autres clubs. En fait je suis trop rigide pour m'occuper des jeunes. Moi quand je m'entraînais, si j'avais décidé de faire une sortie, il pouvait neiger je faisais la sortie, si j'avais décidé de tourner derrière le panneau c'était pas devant.
Veloracingnews : Tu portes quel regard sur le cyclisme d'aujourd'hui ?
Je pense qu'avant de lancer les jeunes dans des épreuves nationales, de les emmener loin en voiture avec les frais que cela impose, il vaudrait mieux qu'ils s'aguerrissent dans les courses locales contre des coureurs chevronnés. Nous courions avec des gars qui avaient été pros et ils ne me faisaient pas de cadeaux mais si tu ne battais pas ces coureurs c'était pas la peine d'espérer réussir dans le vélo. Aujourd'hui il y a des programmes d'entraînement, les coureurs sont mieux conseillés et il préférable être dirigé par des gens compétents.
Yvon est retraité et il roule très peu. Mais cette année on le verra au départ de l'épreuve cyclo « Les Copains » avec ses enfants et surtout son petit fils Antoine licencié en juniors au VC Ambert. La relève est assurée !
Yvon Verne vainqueur à Romagnat
Yvon Verne à Bort-les-Orgues
Propos recueillis par Patrick Dorckel (As du Cyclisme sur Facebook)
Remerciements à Yvon Verne pour l'interview et le prêt des archives
Par Patrick Dorckel correspondant de VéloRacingNews
